Les chrétiens noirs d’Amérique font face à de nombreuses préoccupations, telles que s’assurer que « les vies noires comptent » dans nos églises, transmettre l’Évangile aux jeunes générations, former la prochaine génération de responsables de nos églises, lutter contre le nationalisme chrétien blanc et identifier des moyens par lesquels l’Église peut s’attaquer aux disparités raciales dans notre pays.

Mais dans ma propre vie de chrétienne noire, je me préoccupe en particulier de savoir comment l’Église peut aider les femmes noires à se débarrasser du cliché néfaste de la « femme noire forte ». Vivre selon ce stéréotype peut avoir des conséquences destructrices, voire mortelles sur la santé mentale et physique des femmes noires. Si l’on ajoute à ces problèmes le stigmate associé aux problèmes de santé mentale tels que l’anxiété et la dépression, il en résulte que trop de femmes noires cachent leurs véritables préoccupations par crainte d’être stigmatisées.

L’Église est cependant particulièrement bien placée pour aider les femmes noires à trouver un soutien thérapeutique et théologique lorsqu’elles sont confrontées à des problèmes de santé mentale.

L’image de la femme noire forte est source d’une fierté que les femmes noires portent depuis des générations. Les chercheurs identifient systématiquement trois caractéristiques qui y sont associées : la retenue émotionnelle, l’indépendance et l’abnégation.

Cette tendance est probablement née à la fois de l’expérience personnelle et culturelle des femmes noires (notamment pendant les siècles d’esclavage de masse fondé sur la race au cours desquels nous avons protégé la structure familiale tout en endurant abus et tortures) et des exigences de la société à l’égard des femmes noires (notamment la lutte contre la discrimination fondée sur la race et le sexe pendant la période des lois Jim Crow aux États-Unis et le soutien apportée au mouvement des droits civiques). Nous avons cherché à être fortes par peur de paraître faibles.

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Pendant de trop nombreuses années, j’ai adhéré à l’idéologie de la femme noire forte. Elle pouvait à la fois « ramener le bacon à la maison et le faire frire dans la poêle ». Elle n’avait pas besoin de demander de l’aide parce qu’elle pouvait tout faire — elle était une épouse, une mère, une travailleuse, une responsable de ministère, une bénévole et une amie accomplie. Elle possédait le « Black girl magic » et inspirait tous ceux qui se trouvaient dans sa sphère d’influence. Je voulais être cette femme noire forte, alors c’est ce que je suis devenu. Comme beaucoup de mes ancêtres, je portais ma force comme un trophée.

Malheureusement, ce désir de force ne permettait pas l’expression de mes vulnérabilités ou de mes défauts. Au lieu de cela, j’ai ignoré mes préoccupations légitimes en matière de santé mentale pour donner aux autres une image trompeuse. J’ai cru au mensonge selon lequel je ne pouvais pas exprimer ouvertement mes luttes contre la dépression et l’anxiété. J’ai caché mes problèmes de santé mentale pour tenter de préserver la façade d’une femme qui avait tout pour elle.

Comme moi, les femmes noires qui adhèrent à l’idéologie de la femme noire forte peuvent être confrontées à de graves problèmes de santé mentale. Une étude récente a cependant révélé que la dépression peut se manifester différemment chez les femmes noires. Selon l’étude, plutôt que de faire état de sentiments de tristesse et de désespoir, les femmes noires souffrent d’autocritique, d’auto-accusation et d’irritabilité caractérisant leur dépression.

Les résultats de cette étude correspondent à mes expériences personnelles. Je ne pensais pas pouvoir me permettre le luxe, en tant que femme noire, de me sentir triste ou désespérée — surtout dans ma vie publique — car ces réalités me paraissaient synonymes de faiblesse et non de force. Par conséquent, j’ai eu recours à l’autocritique et aux accusations pour les problèmes de ma vie, ce qui n’a fait qu’exacerber ma dépression et mon anxiété.

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Aligner ma vie sur cette idéologie me tuait littéralement. Je cherchais à personnifier la femme noire forte au détriment de ma santé mentale et physique. Vivre selon l’image d’une femme capable de réprimer ses émotions tout en accomplissant de manière indépendante des tâches au profit des autres, que ce soit à la maison, au travail, à l’église ou dans la communauté, m’a été réellement préjudiciable.

Plus d’un médecin soulignait l’importance de prendre soin de ma santé mentale, qui avait un impact direct sur ma santé physique. Pendant plusieurs années de ma vie de femme noire forte, j’ai reçu de nombreux diagnostics pour des maladies qui auraient pu me coûter la vie si je n’avais pas fait face à mes problèmes de santé mentale.

En 2015 et 2016, j’ai été confrontée à une grave dépression. L’autoculpabilisation était constante. Je n’arrivais pas à me débarrasser de mes sentiments d’épuisement et d’échec. Je me reprochais de ne pas parvenir à fonctionner normalement. J’affichais un sourire de façade lorsque j’étais en public et je continuais à servir dans mon église et à participer activement au ministère tout en gardant pour moi mes problèmes de santé mentale. Je savais que les maladies mentales étaient stigmatisées dans de nombreuses églises, et je ne savais vraiment pas comment ma famille religieuse réagirait si elle découvrait que je luttais contre la dépression et les idées suicidaires.

Un jour de 2016, lorsque quelqu’un à l’église m’a demandé comment j’allais, je n’ai plus voulu être forte. « Je lutte contre la dépression », ai-je répondu. Il n’était pas facile d’admettre que je luttais, mais j’étais fatiguée de faire semblant. J’étais fatiguée d’essayer de passer pour ce que je n’étais pas. Je n’allais pas bien, et je me suis rendue compte que je pouvais l’admettre.

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À ma grande surprise, mon honnêteté et ma vulnérabilité ce jour-là ont ouvert la porte à ma guérison. Voici pourquoi : ma famille religieuse ne m’a pas dénigrée ni rejetée. Au contraire, elle m’a entourée et soutenue lorsque j’en avais le plus besoin. Mon pasteur et mes anciens se sont ralliés à moi et m’ont encouragée à rechercher une aide spirituelle et psychologique. Je frémis à l’idée de ce qui aurait pu se passer si je n’avais pas reçu leur amour et leur soutien.

En me permettant de renoncer à mon costume de femme noire forte, ma famille religieuse m’a donné une chance de vivre, de guérir et de voir ma valeur au-delà d’une quête irréaliste et malsaine de force. Et ils continuent à le faire lorsque je rencontre des difficultés avec ma santé mentale.

Je crois que les églises, avec une formation et des ressources appropriées, peuvent être une source de soutien et d’encouragement pour les femmes noires — comme d’ailleurs pour toutes les femmes — qui ont besoin d’enlever le manteau de la force et de le remplacer par la bénédiction de l’empathie et de la compassion.

Aux États-Unis, selon la National Alliance on Mental Illness (NAMI), chaque année, un adulte sur cinq souffre d’une maladie mentale, et un adulte sur vingt d’une maladie mentale grave. Ces statistiques révèlent une réalité saisissante : nos églises sont très probablement remplies de personnes qui luttent contre la maladie mentale. Même si nous professons que Jésus-Christ est notre Seigneur et notre Sauveur, nous sommes toujours confrontés à l’anxiété, à la dépression et à une myriade d’autres problèmes psychologiques. Nous vivons dans un monde déchu.

J’aimerais proposer quelques moyens par lesquels les églises pourraient aider les femmes noires qui luttent contre des problèmes de santé mentale résultant du stéréotype de la femme noire forte.

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1. Enseigner et prêcher la réalité des problèmes de santé mentale : on a le droit de ne pas aller bien.

La Bible regorge d’exemples de personnes confrontées à des problèmes de santé mentale :

  • Caïn « fut très irrité et il arbora un air sombre » lorsque Dieu accepta Abel et son don, mais pas Caïn et le sien (Ge 4.3-5). Caïn en fut affecté au qu’il finit par assassiner son frère (Ge 4.8).
  • Après des années de stérilité, « l’amertume dans l’âme, [Anne] pria l’Éternel et pleura abondamment » pour avoir un fils (1 S 1.10).
  • Dans le psaume 143, le roi David exprime clairement sa détresse : « Viens vite, Seigneur, et réponds-moi, car ma dépression s’aggrave. Ne te détourne pas de moi, ou je mourrai » (v. 7, d’après la New Living Translation).
  • Jésus déclara que son âme était « triste à en mourir » alors qu’il priait dans le jardin de Gethsémané, avant sa crucifixion (Mt 26.38).

Ces exemples offrent un rappel important : nos esprits sont parfois troublés et dévastés par les situations auxquelles nous sommes confrontés parce que nous vivons dans un monde marqué par le péché. La présence de l’anxiété, de la dépression, des idées suicidaires et d’autres réalités de ce type dans la vie des personnages bibliques est analogue à la réalité de ces défis dans notre société et nos églises modernes.

En normalisant les problèmes de santé mentale, les églises permettront aux femmes noires de se sentir moins isolées et plus à l’aise pour reconnaître leurs propres difficultés.

2. Souligner que la communauté est essentielle à la vie chrétienne.

Genèse 2.18 et Romains 12.4-5 soulignent l’importance de la communauté. Dieu nous a créés pour que nous vivions ensemble et pas isolés. Si une femme sait qu’elle peut compter sur son église pour l’épauler dans ses difficultés, elle sera mieux à même de faire face à ses problèmes de santé mentale.

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En me permettant d’exprimer honnêtement mes problèmes et en me montrant que j’avais le droit de ne pas aller bien, ma famille ecclésiale m’a sauvé la vie. Je ne me sentais pas complètement seule. Les églises peuvent prendre le relais de ceux qui ne sont pas en mesure de prier, de chercher ou d’adorer Dieu par eux-mêmes. Les églises ont littéralement la possibilité de sauver des vies.

3. Faire preuve d’empathie et de compassion à l’égard des femmes noires qui parlent de leurs problèmes de santé mentale.

Mon église a joué un rôle majeur dans mon processus de guérison en me permettant d’exprimer mes vulnérabilités et en m’offrant de l’empathie et de la compassion. Je crois que l’Église peut jouer un rôle important dans le processus de guérison de tant de mes sœurs qui auraient également besoin de renoncer au rôle de la femme noire forte.

Les responsables d’église peuvent faire preuve d’empathie et de compassion en parlant ouvertement de leurs propres problèmes de santé mentale. Nous devons être prêts à entendre, plutôt que d’ignorer, une femme qui partage ses difficultés en matière de santé mentale. En les encourageant et les soutenant, les églises peuvent offrir aux femmes un lieu sûr où elles peuvent retirer leurs costumes de superhéroïnes.

4. Investir du temps et des ressources dans le soutien aux femmes confrontées à des problèmes de santé mentale.

Enfin, les églises peuvent proposer à leurs membres des ressources psychologiques locales et en ligne. Je ne veux pas dire que les églises doivent assumer la responsabilité de fournir des services de santé mentale. Elles peuvent par contre s’équiper pour offrir facilement des références et des listes de ressources aux membres qui sont confrontés à des problèmes de santé mentale.

Les églises qui disposent de compétences et de ressources financières peuvent également proposer à leurs responsables — tant spirituels qu’administratifs — une formation sur les bases de la santé mentale. En outre, les responsables qui accompagnent spirituellement les membres d’une église devraient recevoir une formation plus approfondie sur la reconnaissance des problèmes de santé mentale. Cet investissement pourrait sauver des vies.

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Les églises sont particulièrement bien placées pour donner aux femmes noires la permission de se défaire de l’image de la femme noire forte et leur permettre d’apprendre qu’elles ont aussi le droit de ne pas aller bien. Grâce à la communauté, à l’empathie et à la compassion, l’Église peut aider les femmes à trouver une véritable guérison et leur véritable identité en Christ.

T. K. Floyd Foutz est une avocate devenue enseignante des Écritures. Outre ses activités de mentorat et de conférencière, elle propose des études bibliques en ligne et dans son église locale de San Antonio.

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