Au cours des dernières décennies, de nombreux chrétiens se sont efforcés de souligner que la foi en Christ est plus qu’un simple « passeport » pour la vie éternelle. Cela a renforcé l’idée que ce qui importe, c’est de vivre sa foi ici et maintenant. Mais cette manière de penser nous fait courir le risque de minimiser l’enseignement néotestamentaire concernant une espérance fondée sur un événement futur : la seconde venue de Jésus.

Chris Davis, pasteur de l’Église baptiste Groveton à Alexandria, en Virginie, faisait partie de ceux qui évitaient ce sujet, gênés par les spéculations farfelues et les controverses que l’eschatologie a tendance à susciter. En traversant une période difficile, Davis a cependant redécouvert comment la fin des temps peut nous encourager à concentrer nos espoirs et nos désirs sur Jésus. Ce voyage de redécouverte a abouti à un livre, Bright Hope for Tomorrow: How Anticipating Jesus’ Return Gives Strength for Today. (« Un brillant espoir pour l’avenir : Comment l’attente du retour de Jésus nous donne de la force pour aujourd’hui »)

J. Todd Billings, auteur de The End of the Christian Life et professeur de théologie au Western Theological Seminary à Holland, Michigan, s’est entretenu avec Davis au sujet de cet ouvrage.

Votre livre commence par une anecdote. Vous aviez officié comme pasteur pendant 10 ans et au cours de cette période vous avez fait face à plusieurs problèmes familiaux et de santé. Votre femme et vous-même attendiez dès lors avec beaucoup d’impatience un congé sabbatique de deux mois. Vous écrivez : « notre objectif quotidien était de tenir le coup jusqu’à ce congé qui allait tout arranger. »

Que s’est-il passé lorsqu’enfin cette période sabbatique est arrivée ? Et quel sens pouvons-nous donner à cette tendance que nous avons, en tant qu’humains, à aspirer à un moment où tout devrait en principe s’arranger ?

Ce qu’il s’est passé, c’est que nous sommes partis en congé sabbatique avec nous-mêmes. Très peu de choses ont donc changé au cours de ces deux mois. Pourquoi les humains s’attendent-ils à ce que les choses aillent mieux ? J’aimerais croire qu’il y a là une intuition enracinée en nous que Dieu est à l’œuvre pour rendre toute chose nouvelle. Cependant, tout comme nous avons évacué la personne de Jésus de notre anthropologie chrétienne actuelle, je pense que, de manière générale, nous l’avons évincé de notre espérance.

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Martin Luther King Jr a dit : « L’arc de l’univers moral est long, mais il tend vers la justice ». C’est en tant que pasteur chrétien qu’il s’exprimait. Cependant cette citation est affichée sur son mémorial de Washington sans aucune référence à Jésus. En tant qu’êtres humains, et pour quelque raison philosophique que ce soit, nous avons l’espoir que les choses iront mieux d’elles-mêmes, sans qu’il y ait de véritable logique derrière cela.

De nombreux chrétiens d’aujourd’hui peinent à placer leur espoir dans l’avenir. Ils entendent des prédicateurs opposer une foi centrée sur la réalité présente à une foi orientée vers la fin des temps. Dans cette perspective, l’espérance future peut sembler dérisoire. Comment les chrétiens pourraient-ils en arriver à évoquer le retour de Christ sans en rester à des haussements d’épaule ?

Le retour de Jésus est un sujet où l’on peut facilement perdre de vue l’essentiel. Et c’est compréhensible. L’eschatologie est un domaine où l’Église a souvent dérivé vers des choses étranges. La seconde venue du Christ est devenue parfois une sorte de spectacle où les décors ont pris le pas sur le personnage principal, Jésus.

Il m’est aussi arrivé de jeter le bébé avec l’eau du bain, et je comprends pourquoi d’autres ressentent le besoin de faire de même. Nous ne voulons pas être associés à certaines interprétations farfelues de la fin des temps. Ce à quoi j’invite dans ce livre est de nous recentrer sur la personne du Christ et de trouver un lien entre le déjà de sa présence avec nous, par l’Esprit, et le pas encore de son retour. Je pense qu’il est tout à fait possible de vivre dans ces deux dimensions du royaume.

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Nous devrions nous rappeler ces paroles inspirantes de C. S. Lewis, dans Les fondements du Christianisme : « Les chrétiens qui en ont fait le plus pour le monde présent étaient justement ceux qui pensaient le plus au monde d’après ».

Une autre chose qui, à mes yeux, freine les chrétiens à envisager et à espérer le retour de Christ, c’est que celui-ci leur fait peur. Comment passer de la peur à l’espérance ?

Au risque de verser dans un cliché du genre « Jésus est mon petit copain », très en vogue dans les groupes de jeunes où certains d’entre nous ont grandi, je trouve l’image biblique des fiançailles très pertinente. Elle nous rappelle que les débuts présents de l’alliance feront place, dans le mariage, à une relation qui dépassera de loin ce que nous pouvions imaginer en termes de joie, d’intimité, d’appartenance et d’épanouissement.

Ma femme et moi vivions à 1 000 kilomètres l’un de l’autre lorsque nous nous sommes fiancés. Inutile de dire qu’on ne pouvait pas comparer les moments passés au téléphone et les moments où nous étions l’un près de l’autre. De même, si nous nous référons à la communion intime que nous avons aujourd’hui avec le Christ par l’Esprit, et que nous réalisons qu’être avec lui en personne sera incroyablement plus magnifique, je pense que nous pouvons aspirer à son retour dans une espérance profonde et inébranlable.

Vous évoquez quatre images bibliques du Christ à son retour : l’époux, le roi guerrier, le juge et le ressuscité. Quel est le portrait qui vous a le plus captivé au cours de vos recherches et de la rédaction de votre livre ?

De loin, Jésus en tant que juge. C’est dans le chapitre qui y est consacré que j’ai eu le sentiment qu’il était temps de prendre nos responsabilités. Il est temps de faire face à ces aspects du retour de Jésus qui nous mettent au défi.

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Lorsque l’on observe Paul anticipant le retour de Jésus en tant que juge, on ne le trouve pas en train de le redouter. Au contraire, il s’en réjouit ! C’est ce que l’on voit dans ses lettres à l’Église de Corinthe. Les Corinthiens l’avaient critiqué, lui, leur père spirituel, de manière immature et mal informée. Et cela l’avait terrassé.

Heureusement, Paul fondait toute la valeur de son ministère sur le moment où Jésus le jugerait. Alors qu’il était sévèrement critiqué par ses enfants spirituels, Paul attendait avec impatience le moment où Jésus mettrait en lumière toutes ses motivations et ses actions, le moment où, comme il l’écrit : « chacun recevra de Dieu sa louange ». (1 Co 4.5)

Cela m’a frappé ! Et dans le contexte des épreuves inhérentes à mon travail de pasteur, cela m’a profondément encouragé.

Vous rappelez souvent à vos lecteurs que l’espérance dans le retour du Christ, c’est « par l’Esprit que nous pouvons y goûter maintenant ». De quelle manière avons-nous besoin d’une théologie renouvelée de l’Esprit pour réellement rendre vivante en nous cette espérance du retour du Christ ?

Beaucoup d’entre nous ont grandi avec l’idée que « Jésus est dans notre cœur ». Mais cela peut nous faire oublier que Jésus est au ciel et que le moyen par lequel il habite dans nos cœurs, c’est l’Esprit. L’Esprit saint est indispensable à l’espérance. Car c’est par l’Esprit que nous ressentons la présence du Christ avec nous, maintenant. L’Esprit nous donne les arrhes, les prémices, la garantie de notre héritage final, celui de vivre dans la présence de Jésus à son retour.

Je dis dans mon livre que l’espoir sur lequel nous concentrons notre regard est celui de la joie indicible et glorieuse qui jaillira de notre face-à-face avec Jésus lors de son retour. Le Saint-Esprit nous donne l’avant-goût de cette joie, dès maintenant.

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L’une des sections de votre livre explore différentes pratiques qui nous aident à cultiver, en Église, l’espérance du retour du Christ. Cela touche notamment à de nos cultes, au jeûne et au repos. Selon vous, quelles sont les pratiques que les évangéliques devraient plus particulièrement redécouvrir aujourd’hui ?

À mon avis, les pratiques les moins suivies par les évangéliques sont le jeûne et le repos sabbatique. Personnellement, lorsque je pratique le sabbat, je dois m’en rappeler le pourquoi. Je me repose pour anticiper le retour du Christ et tout ce qu’il réalisera : la rédemption de notre travail, l’accomplissement du règne de Dieu et les délices éternels qui seront nôtres en sa présence.

Le Nouveau Testament enseigne également explicitement que nos rythmes et nos rencontres sont censées avoir une saveur eschatologique. L’auteur de l’épitre aux Hébreux écrit : « N’abandonnons pas notre assemblée, comme quelques-uns en ont coutume, mais encourageons-nous mutuellement, et cela d’autant plus que vous voyez le jour s’approcher. » (Hé 10.25) Ce jour, c’est le jour de la venue du Seigneur, qui s’approche. Nous avons tendance à négliger le jeûne et le repos du sabbat, mais également cette aspect du culte qui consiste à nous rappeler mutuellement le retour de Jésus.

Mon désir est donc que nous redécouvrions ces disciplines oubliées, et que nous n’oubliions pas l’objectif de nos rencontres, qui est en partie de nous rappeler les uns aux autres, comme Caleb l’a fait au peuple d’Israël, que si le Seigneur prend plaisir en nous, il nous délivrera. (Nb 14.8)

Traduit par Anne Haumont

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