Après une récente conférence, un ami homosexuel m’a contacté dans un message plein de désarroi : « Je croyais que le joug de Jésus était censé être léger. » Certains responsables répondant à l’événement, m’a-t-il dit, « donnent l’impression que la fidélité à Jésus signifie que Jésus doit changer quelque chose qu’il n’a pas encore changé » ou que « Dieu veut vraiment que je mente aux gens et que je dise simplement que je ne suis plus gay. » Il me disait avoir envie de pleurer.

L’histoire de mon ami n’est qu’un exemple des relations parfois tendues entre les Églises évangéliques et la communauté LGBT. Lui, moi et d’autres membres de la communauté Revoice faisons partie d’une minorité croissante de chrétiens qui souhaitent être honnêtes tant à propos de ce qu’ils vivent en matière d’attirances que de leur engagement ferme à vivre dans l’obéissance à l’éthique sexuelle présentée dans la Bible, qu’ils considèrent comme dessein de Dieu pour tous les êtres humains, quelles que soient leurs attirances ou leurs orientations.

Le débat sur l’identité des personnes homosexuelles n’est pas nouveau, mais il est devenu beaucoup plus féroce ces derniers temps. Dans la foulée de la parution de la déclaration de Nashville en 2017, un nombre croissant de dénominations ont élaboré leurs propres déclarations concernant le mariage et la sexualité.

L’Église presbytérienne d’Amérique et l’Église anglicane d’Amérique du Nord ont toutes deux publié des rapports de commission ou des prises de position concernant l’utilisation d’un langage d’identification lié au genre ou à l’orientation sexuelle par les membres de l’Église. Entre-temps, l’Église méthodiste unie [fait maintenant face à la division autour du soutien aux unions homosexuelles par certaines communautés.]

Tout cela me touche de très près. Des amis tant à ma gauche qu’à ma droite sur le plan théologique ont tenté de dialoguer avec moi et de me comprendre en tant que chrétienne attirée par les personnes du même sexe. La place publique a été moins généreuse. Au cours des années qui se sont écoulées depuis que j’ai raconté mon histoire, cette place publique est devenue de plus en plus polarisée et absolue dans sa condamnation des Side B Christians comme moi et d’autres.

Article continues below

Lettres de nouvelles gratuites

Plus de lettres de nouvelles

Les commentateurs conservateurs affirment que toute reconnaissance d’une attirance pour les personnes du même sexe est un péché, tandis que les auteurs progressistes nous accusent de réprimer notre sexualité et de contribuer au suicide des adolescents LGBT. La plupart des déclarations confessionnelles mentionnées ci-dessus concluent que l’utilisation de termes tels que « chrétien gay » va de « peu judicieuse » à « pécheresse » et affirment que l’utilisation de ces qualificatifs confère à notre sexualité une importance excessive pour notre vie.

Pourtant, les chrétiens du camp B [ainsi nommés par opposition au camp A qui soutient les unions homosexuelles] ne constituent pas une menace, mais un atout pour les Églises orthodoxes.

Tout d’abord, les personnes appartenant à des minorités sexuelles qui restent dans les communautés conservatrices ne cherchent pas à ce que celles-ci soutiennent les unions homosexuelles. Bien au contraire. Malgré l’isolement, voire le rejet pur et simple, nous restons dans des Églises conservatrices en raison de notre engagement envers la fidélité aux Écritures. Nous sommes convaincus que Jésus vaut mieux que l’épanouissement sexuel, et beaucoup d’entre nous se sont engagés à rester célibataires toute leur vie parce qu’ils croient en l’éthique sexuelle traditionnelle.

Comme l’écrit Greg Johnson dans Still Time to Care: What We Can Learn from the Church’s Failed Attempt to Cure Homosexuality, « Certes, ma foi m’a coûté plus qu’une dîme, mais le peuple de Dieu ne m’a pas abandonné. Mon histoire, c’est que Jésus a ravi mon cœur. Tout lui revient. » Tel est le témoignage de chrétiens homosexuels qui restent dans des Églises ayant une vision biblique de l’éthique sexuelle. Nous avons mesuré le coût de suivre Jésus avec notre esprit, notre cœur et notre corps et nous avons trouvé qu’il en valait la peine.

Article continues below

Deuxièmement, nous restons dans l’Église pour des raisons de principe, et non pour quelques abstraites avancées dans des querelles linguistiques elles aussi essentiellement abstraites. Encore une fois, il est difficile d’être un chrétien homosexuel dans une Église théologiquement conservatrice. Tant dans le corps du Christ que dans la culture en général, le célibat est un engagement difficile à tenir, surtout à long terme. Il s’accompagne du deuil de certains rêves et attentes, en particulier pour ceux d’entre nous qui ont été élevés dans des Églises évangéliques.

Au plus fort du mouvement de la purity culture, j’étais une lycéenne terrifiée par mes attirances et me demandais quand Dieu allait me guérir miraculeusement pour me donner ensuite un mari et des enfants. L’attirance pour le même sexe était condamnée comme quelque chose qui me séparait de Dieu, même si j’aimais Jésus.

Au lieu de trouver du soutien en vue de l’éventualité d’une vie de chrétienne célibataire, j’ai constamment été confrontée à des personnes bien intentionnées mais déterminées à me trouver un mari. Pourtant, je suis restée, malgré la solitude, l’incompréhension et l’homophobie ordinaire de certains propos. J’ai tenu bon parce que j’étais profondément convaincue que ma vie de chrétienne homosexuelle célibataire était tout autant une image vivante de l’Évangile que n’importe lequel des mariages que je rencontrais à l’Église.

Aujourd’hui encore, je ressens ces mêmes tensions dans l’Église. Ce qui a changé, en revanche, ce sont mes attentes quant à la manière dont Dieu répond à mon besoin humain de soutien et d’intimité relationnelle. Au lieu d’aspirer au mariage, je me réjouis de mon amitié avec des personnes profondément liées à moi et je cultive intentionnellement ces relations en vue de toute une vie d’amour et de soutien.

Article continues below

Finalement, notre présence est un témoignage pour ceux qui se trouvent à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église. Une amie m’a dit un jour qu’elle ne pouvait imaginer quelqu’un de mieux équipé pour parler aux adolescents chrétiens de l’éthique sexuelle traditionnelle qu’un chrétien homosexuel engagé dans le célibat ou dans un mariage à orientation mixte.

Elle soutenait que, dans un monde motivé par les mantras « suis ton cœur » et « vis ta vérité », peu seraient aussi à même de manifester la réalité d’un style de vie contre-culturel que des personnes qui pourraient facilement trouver l’amour et l’acceptation à la fois dans les Églises progressistes et dans la culture séculière, mais choisissent de rester fidèles au dessein de Dieu.

À titre d’exemple, un de mes amis m’a récemment fait part d’une remarque d’un adolescent de son Église. L’étudiant le remerciait ainsi d’avoir parlé au groupe de jeunes de sa sexualité et de son engagement au célibat : « Tu es la première personne que j’ai rencontrée dans l’Église qui renonce vraiment à quelque chose pour Jésus. »

Ce genre de déclarations expliquent pourquoi nous, chrétiens homosexuels célibataires, parlons si souvent et si ouvertement de notre sexualité. Nous voulons que les futurs disciples de Jésus sachent que s’épanouir en tant que chrétien homosexuel est non seulement possible, mais aussi source de vie. Nous voulons montrer ce que peut signifier faire partie d’une famille choisie et vivre des liens d’appartenance qui ne soient pas intrinsèquement liés aux relations sexuelles. Pourquoi ? Parce que la Bible nous dit que ce type d’intimité et de lien est ce que nous vivrons tous dans l’éternité (Mt 22.30 ; Mc 12.25).

Article continues below

Si nous voulons que la prochaine génération croie que le sexe et le mariage ne sont pas les horizons ultimes de la communauté chrétienne, l’Église ferait bien de s’assurer que nous ne rejetons pas ceux dont l’existence même démontre ce fait.

Bekah Mason est mère de deux enfants, directrice exécutive de Revoice et membre fondatrice du Pelican Project.

Speaking Out est une rubrique d’opinion invitée de Christianity Today et (contrairement à un éditorial) ne représente pas nécessairement l’avis de la publication.

-

[ This article is also available in English 简体中文, and 繁體中文. See all of our French (Français) coverage. ]